ITRADEC
Née en 1995, morte en 2011, on ne peut pas dire qu’ITRADEC aura réellement vécu. Regroupant 23 communes, cette intercommunale publique avait comme ambition de traiter les ordures ménagères des 463.000 habitants qui la composait. Son projet se voulait novateur, économique et « écologique », si l’on considère que l’incinération est écologique, bien entendu.
ITRADEC était dans la pratique sous la tutelle active de l’IDEA. On retrouvait les mêmes mandataires socialistes, largement majoritaires dans les deux conseils. Et surtout le très autoritaire directeur général de l’IDEA était membre du conseil d’administration d’ITRADEC. Lui qui avait, déjà en 1991, imposé le choix du terrain sur lequel serait implanté l’entreprise.
En 2000, après avoir écarté toutes les initiatives du Comité de Défense des Bruyères, souvent en utilisant des procédés intellectuellement malhonnêtes et des arguments peu objectifs ou sensés, ITRADEC obtient toutes les autorisations pour bâtir son usine à quelques centaines de mètres des premières habitations. Pour rappel, à l’époque, il y avait déjà 760 habitants dans un rayon de 500 mètres !
Le Conseil d’Etat ayant rejeté les recours en suspension déposés par le Comité des Bruyères, ITRADEC débarquait au « champ de Ghislage » pour construire son usine.
« Ni bruits, ni odeurs, ni fumées » !
Lors de la fête organisée en grandes pompes pour la pose de la première pierre, c’est ce que Didier DONFUT, alors président largement rémunéré de la nouvelle intercommunale ITRADEC et père du projet s’est efforcé de répéter aux riverains venus le remercier pour ce cadeau empoisonné à quelques centaines de mètres de leurs habitations, mais aussi à la presse écrite, parlée et télévisuelle locale. Il l’a dit, redit, promis, assuré et juré !
La réalité que ces riverains ont vécue a été toute autre. Bien vite, des odeurs nauséabondes et incommodantes se sont dispersées autour du site, envahissant les jardins et les maisons voisines, suivant l’orientation des vents.
Ensuite, alors qu’ils s’étaient engagés par écrit à ce que « aucun déchet ne soit stocké à l’extérieur » du centre de tri, celui-ci placé en dépression pour éviter la dissipation des odeurs, les gestionnaires ont demandé l’autorisation de construire une dalle en béton pour y placer, à ciel ouvert, plusieurs dizaines de tonnes de déchets, en précisant bien que ce serait pour une durée maximale de 24 à 48 heures. Bien entendu, cette autorisation, comme toutes les précédentes, leur a été délivrée facilement et, comme il est impossible de vérifier combien de temps restent ces déchets, il leur est facile de ne pas respecter cette contrainte.
2007, le centre de tri brûle et est complètement détruit. Pas de chance pour eux et pour nous, dirons-nous ! La chance ou la malchance a toutefois été renforcée par le fait que les pompiers, arrivés sur place alors que l’incendie faisait déjà rage, n’ont pu se connecter aux bornes d’incendie prévues car les pompes qui alimentaient celles-ci n’étaient pas raccordées. Malchance : peut-être. Négligences : sûrement !!!
Quoi qu’il en soit, le centre de tri, premier maillon de la chaîne de traitement est désormais inutilisable mais les déchets continuent cependant d’arriver et, au grand dam des riverains, sont tous stockés sur cette dalle en béton extérieure...
Depuis cet incendie, les gestionnaires de cette usine ont exploré toutes les solutions qui pourraient éviter que le projet ITRADEC se transforme en scandale ITRADEC. Il est difficile de ne pas parler de scandale quand on constate que l’usine n’a jamais fonctionné correctement, qu’aucun objectif n’a été atteint et que l’usine, qui devait coûter au départ 20 millions d’euros, en a coûté 40 à la collectivité !
Parmi les objectifs non atteints, on peut notamment évoquer :
L’échec de l’étude du projet
200.000T ! Voici la quantité que les experts prévoyaient comme quantité de déchets ménagers produite dans la zone ITRADEC à l’an 2000. Nous étions alors en 1995 et l’on nous a montré des courbes invraisemblables lors de la réunion publique d’information pour justifier la taille démesurée de cette usine !
En 2006, avant de brûler, ITRADEC avait accueilli 81.500 T de déchets au total sur un an d’activité...
L’échec du « fluff ».
Cette partie des déchets, composant environ 59% d’une poubelle type, devait servir de combustible d’appoint aux cimenteries d’Obourg. Ils appelaient cela la « valorisation énergétique » ! Loin d’être écologique, cette solution apparaissait toutefois moins polluante que l’incinération traditionnelle dans les incinérateurs de Thumaide ou de Pont-de-Loup grâce à la différence de température des fours (1200° pour les cimenteries, 600 à 800° pour un incinérateur traditionnel) En disant cela, on ne pourra plus nous dire que nous faisons du NIMBY !
Malgré de nombreux essais et efforts de la part des cimentiers, cette solution n’a jamais été possible. En effet, et l’étude d’incidences l’avait souligné chiffres à l’appui, le fluff contenait trop d’humidité et trop de chlore. Et comme la direction des cimenteries l’avait répété en séance du comité d’accompagnement, la présence de chlore était incompatible avec la fabrication d’un ciment de qualité. Bien entendu, les administrateurs d’ITRADEC du haut de leur suffisance ignorèrent cette contrainte.
Cet objectif raté eu des répercussions financières et écologiques importantes pour les comptes d’exploitation d’ITRADEC (donc pour les citoyens) puisque ce « fluff » terminait sa vie dans la décharge (CET) de Mont-St-Guibert, avec un surcoût de 1,5 millions d’euros !
A travers ce flop technique, c’est surtout toute la filière ITRADEC qui implosait !
ITRADEC décida donc d’investir encore dans un nouveau procédé appelé « OXALOR » pour tenter de rendre le fluff acceptable pour les fours des cimenteries d’Obourg. Coût supplémentaire : 5 millions d’euros plus les intérêts car c’est sous la forme d’un emprunt consenti par les 23 communes que cela aura été possible. Le tout pour simplement 10.000 tonnes de fluff, accord maximal annuel consenti par Holcim. On est donc loin des 40.000 T du projet initial d’ITRADEC.
Le 22 mai 2009, le Conseil d’Administration d’ITRADEC a décidé de mettre fin à
l’expérience OXALOR… alors que le fluff était enfin presque sec.
Olivier Picron souligna que
« les essais continueraient quand-même... pour
du beurre ! »
Et toc ! Encore une brillante stratégie mise au point par de grands experts en environnement et en gestion publique qui aura manqué de succès ! C’est triste, surtout pour les citoyens payeurs que nous sommes.
L’échec du compostage.
Le compostage était la dernière étape du processus de bio-méthanisation, à savoir que tous les déchets putrescibles issus du centre de tri étaient envoyés dans le digesteur, produisait du gaz (méthane), et ce gaz était transformé en énergie (gaz ou électricité).
Par après, les matières étaient sorties du digesteur pour être affinées et transformées en compost.
Le problème est qu’ici aussi, le processus était aussi voué à l’échec dès le départ car les matières putrescibles issues d’un centre de tri sont fortement impures. Une quantité impressionnante de plastic, de verre et autres impuretés empêche ces matières d’être qualifiées de « compost » et d’être épandues sur les champs sans en altérer la qualité des sols. Aucun agriculteur qui se respecte n’aurait jamais accepté d’épandre ce « digestat » impropre sur ses champs !
Ici aussi, il ne fallait pas être un grand spécialiste pour s’en rendre compte d’autant que certains agriculteurs locaux l’avaient clairement dit avant la construction de l’usine et que des expériences similaires avaient déjà montré leurs limites (En Champagne, notamment)!
Le 29 novembre 2005, les gestionnaires d’ITRADEC confiaient à la presse qu’il faudrait encore réaliser un investissement supplémentaire de 3,5 millions d’euros dans les installations pour essayer d’obtenir un compost de qualité. Une paille, quoi !
A cette date, le projet ITRADEC (qui ne devait coûter que 20 millions d’euros) a déjà coûté 35 millions d’euros (dont 82,3% de subsides régionaux et européens), et l’usine ne fonctionne toujours pas.
L’échec de l’intégration d’ITRADEC parmi le voisinage.
Dès la mise en fonctionnement de l’usine, les effluves nauséabondes se sont dispersées autour du site, au gré de la direction des vents. Les excuses de la direction ont été multiples au fil du temps. De « c’est à cause du volet qui est tombé en panne » à « ce sont les ventilateurs qui sont tombés en panne », les excuses ont été légion lors des sept années de fonctionnement. De plus, à partir de 2004, les gestionnaires, confrontés à un mauvais concept de la cuve de 6.000 m3 qui devait accueillir les ordures, ont dû favoriser un stockage, non plus en bâtiment couvert et en dépression, mais tout bonnement à l’extérieur.
Cet exemple est révélateur de tous les défauts de conception qui ont été observables. Ce
sont les riverains qui en ont fait les frais ! Alors que, dans leur tract distribué à toute la
population en 2000,
les gestionnaires assuraient : « aucun déchet ne sera stocké à
l’extérieur », qu’ils renchérissaient en ajoutant qu’une dispersion d’odeurs était impossible car
le bâtiment serait maintenu en dépression, que Didier DONFUT, alors président de
l’intercommunale ITRADEC, affirmait solennellement
que les riverains n’auraient à
subir « ni bruits, ni odeurs, ni fumées », ces riverains vivent dans un
enfer permanent et doivent vivre cloîtrés chez eux, même par beau temps.
Il y a donc matière pour parler d’incompétence, de mensonges et d’irresponsabilité envers ces gestionnaires, pas plus sérieux qu’efficaces.
Ajoutez à cela que le projet devait coûter 20 millions d’euros et que, à force de ne pas fonctionner, a coûté près du double !
Un bon exemple fut sans doute la technologie utilisée pour remplacer les fameux filtres qui étaient sensés apurer l’air sortant du centre de tri. Dès 2003, ils ont été fiers de présenter au comité d’accompagnement la nouvelle solution pour éliminer cette principale nuisance : L’éolage !
L’éolage consistait à placer sur la toiture du centre de tri un énorme ventilateur qui propulserait l’air nauséabond à une hauteur de 100 mètres. A cette hauteur, l’air vicié se mélangerait avec l’air sain et réduirait fortement les mauvaises odeurs dans le voisinage.
150.000 euros ont été investis mais, le nez des riverains le valait bien ! Après quelques semaines, voire quelques mois de fonctionnement, les gestionnaires ont décidé de ne plus le faire fonctionner que lorsque les riverains leur téléphonaient pour se plaindre des mauvaises odeurs ... « parce qu’il consommait trop d’énergie ».
Si cela ne s’appelle pas de l’irresponsabilité, de l’amateurisme et de la mauvaise gestion, comment qualifier cette attitude ?
En 2007, le Conseil d’état statue sur les recours introduits près de 10 ans plus tôt par le Comité de Défense des Bruyères et leur donne raison ! Le Conseil d’Etat déclare que l’alternative citoyenne déposée en son temps par ce même comité n’a pas été suffisamment étudiée et déclare nuls les permis de bâtir délivrés par la Région Wallonne à l’Intercommunale ITRADEC.
Mais après l’incendie, ITRADEC introduit de nouvelles demandes de permis de bâtir, ce qui nous apparaîtra comme un moyen détourné pour ne pas respecter la décision de la plus haute autorité juridique du pays.
En septembre 2011, ITRADEC, incapable de s’en sortir seule, recherche un partenaire privé pour développer un nouveau projet. C’est finalement la société SHANKS qui sera préférée, celle-là même qui avait été chargée par l’IDEA de réaliser un audit sur la gestion des déchets de la région et qui avait conclu que la gestion humaine du personnel était calamiteuse...
N’ayant pas eu l’occasion de lire ce rapport, resté « secret » dans les murs de l’IDEA, nous n’avons pas pu voir ce qui avait été conclu concernant la seule gestion d’ITRADEC mais dans la presse, on pouvait lire en titre que la gestion des déchets était calamiteuse dans la zone de Mons-borinage et du Centre. Mieux, un coupable était tout désigné et mis au banc des accusés : les travailleurs, c’est-à-dire les ouvriers !
ITRADEC devient l'IdePP ==> Intercommunale de Propreté Publique
En 2011, Shanks, qui avait été chargé de faire l’audit précité, ITRADEC et l’IDEA ont développé ensemble un nouveau projet en se regroupant en une intercommunale mixte (entendez avec un partenaire privé) qui s’appellera IdePP : Intercommunale de Propreté Publique.
Un point positif ? Hélas non ! Il n’y en a pas pour l’instant. En effet, ce sont toujours les mêmes administrateurs qui auront la gestion de l’intercommunale à 51% puisque Shanks entre dans le capital à hauteur de 49%.
Cette nouvelle intercommunale aura la mission de :
Collecter les déchets ménagers de la zone « ITRADEC »
Il est également prévu de centraliser les pools de camions de collecte, sur le site. 380 ouvriers et employés viendront donc chaque matin avec leur véhicule automobile personnel puisque les TEC ne desservent pas ce quartier. Et que l’entreprise, par le statut autoroutier de sa voirie d’accès, est inaccessible aux piétons et aux vélos Il faut, à cela, ajouter la rotation des nombreux camions de collecte, de transfert des déchets vers l’incinérateur de Thumaide, des cocontractants, des fournisseurs, etc...
La seule certitude pour les nouveaux amis privés et publics est qu’ils ont bien l’intention de reprendre leurs « expériences » dans le traitement des déchets à Havré, ce qui signifie avant tout de nouvelles nuisances pour les pauvres riverains de ce site.
Dès février 2011, les nouveaux partenaires présentent fièrement le nouveau plan ! On ne parle plus de l’usine d’ITRADEC mais d’« ECOPOLE, cœur du Hainaut, centre d’énergies » ! On ne parle plus non plus des parcs à containers mais d’ « ECOPARCS » !
C’est donc reparti pour un tour ! Les techniques utilisées par les menteurs – tricheurs qui ont porté le projet ITRADEC dès 1995 sont de retour. Objectif, séduire les riverains du site en leur promettant à nouveau qu’il n’y aura pas de nuisances et que ce sera une chance pour ces riverains d’avoir une telle usine près de chez eux ! Mais les riverains ne sont pas dupes. Ils ont vécu un enfer avec ITRADEC et savent très bien qu’au bout de leurs jardins, le malheur va à nouveau s’abattre…avec quelques perles supplémentaires comme le broyage des déchets encombrants...
Dans sa présentation, Philip Marcuz insiste : « La collecte des fermentescibles à domicile est indispensable, au risque de faire échouer la filière de biométhanisation. Reste à convaincre les élus communaux du bien-fondé d’une collecte spécifique de plus. »
IdePP devient HYGEA
Le changement de nom était surtout une nécessité administrative. Rien de fondamental n’a changé depuis la création de l’IdePP. A si, cependant : le directeur général d’ITRADEC, Olivier Picron a été limogé, de manière un peu brutale, selon ses propres dires...
On ne sait encore rien des sommes qu’il faudra encore investir pour le nouveau projet. Ce que l’on sait déjà, c’est qu’elles seront conséquentes, de l’aveu même du président d’HYGEA.
Et les riverains dans tout cela ? Pas un mot, pas une attention envers eux !
Aussi, ils se sont fait entendre lors de la réunion préalable du 24 novembre en exprimant leur ras-le-bol vis-à-vis de ce machin qui empoisonne leur existence et leur cadre de vie depuis douze ans.
C’était aussi l’avis du Comité de Défense des Bruyères qui a prévenu les nouveaux dirigeants. Vous reprenez l’actif mais aussi le passif. Il est temps que l’humain retrouve une place centrale dans ce dossier au parfum de scandale.
Comité de Défense des Bruyères