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Le charme du passé, c’est qu’il est le passé. Oscar Wilde.

De Karl PETIT.

La construction de vastes usines le long du canal du Centre à Obourg a changé totalement, au début du siècle, non seulement le paysage agreste, mais aussi la vocation de cette commune fusionnée, en 1972, avec d’autres pour former le Grand Mons. Jadis agricole, elle est devenue depuis industrielle.
Vers 1830, il y avait déjà une brasserie et une fabrique de chocolat; la population ne s’élevait alors qu’à 850 habitants.

Récemment encore,
des hectares de bois, où il était bien agréable de se promener, ont été pitoyablement rasés,
victimes de l’intense activité industrielle.
Actuellement, Obourg est devenu le théâtre de travaux considérables modifiant déjà de fond en comble l’aspect du quartier de la gare, témoin de la rencontre mémorable des armées britanniques et allemandes en 1914.

Quartier de la gare, à découvrir : Gare, rue Beauval, rue d'Amérique, rue de la Station, chemin de Halage, L'écluse et four à chaux

C’est donc l’occasion d’évoquer succinctement son passé, sans nous attarder cependant aux époques préhistorique et protohistorique. Au reste, l’exposition « Archéologie de la région de Mons » (1) a révélé, il n’y a guère, d’intéressantes découvertes s’y rapportant. Et l’on sait que ‘Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique conserve précieusement l’infortuné "d’Obourg ", une des victimes des carrières néolithiques.

Pour le fumeur, le nom d’Obourg évoque un tabac justement renommé dont la culture a disparu. Pour le toponymiste, ce nom est teutonique et semble, ainsi que l’écrit Chotin, nous être venu des Francs;
dans leur langue Ald-burgou Old-burg signifie vieux fort, vieux bourg (2).
C’est la bourgade créée autrefois dans une clairière de l’antique forêt de Brocqueroie.

La paisible localité, ressemblant sans doute à tous les villages du Hainaut au moyen âge, eut à souffrir cruellement de la bataille acharnée que se livrèrent, en l’an 1072, les troupes de Robert le Frison et celles de la malheureuse Richilde, comtesse de Hainaut. Douze ans plus tard, Obourg passait de l’autorité des chanoines de l’église Saint-Pierre, à Mons, à celle des abbés de Saint Denis.

A la fin du XIII siècle, le village était administré par un maïeur et des échevins; il jouissait en outre de franchises communales. Son plus ancien sceau échevinal est celui dont il est donné ici un dessin.
C’est un écu à un rocher accompagné en chef de deux étoiles, écu placé devant un saint Denis à mi-corps
(avec la tête curieusement sectionnée au-dessus des sourcils) et la légende: S. ECH(EVIN)AL DE LA VILLE (sic)DOBOVRCQ.
Le sceau est aux armes de Jean d’Orimont, abbé de Saint-Denis de 1519 à 1545 (3).

Dans la suite, l’abbaye ayant adopté comme armoiries les lis de France, on les retrouve (mais avec le saint portant sa propre tête entre les mains avec, en exergue: SEEL ESCHEVI NAL DOBOVR.

Les abbés étaient devenus peu à peu par la protection des princes, leurs propres acquisitions et des héritages les puissants et riches seigneurs d’Obourg. Aussi, y exerçaient-ils les droits de haute, moyenne et basse justice (4).

Appartenaient notamment à l’abbaye bénédictine: la ferme opulente des Wartons, connue déjà comme château avant le XIVe siècle et qui sera restaurée en 1531 la cense du Tordoir et celle dite "Cour des Dames" qui remonte à 1348. L’abbé était directeur de conscience des plus jeunes et "nobles chanoinesses de Madame Sainte-Waudru". Celles-ci, lorsqu’elles se rendaient annuellement à l’abbaye, séjournaient en ce domaine, d’où l’origine du nom.

L’histoire nous apprend qu’en 1395, un abbé fit reconstruire un moulin banal où les habitants des deux villages voisins étaient obligés de faire moudre leurs grains selon l’ancienne législation coutumière du Hainaut. Soit dit incidemment, il y avait encore, vers 1830, deux moulins à farine et un moulin à huile.
En l’an 1399, une charte-loi fut accordée à Obourg.

De nouveau, en 1678, le village fut éprouvé par une bataille meurtrière. L’armée de Louis XIV assiégeait Mons quand celle du prince d’Orange accourut à son secours. Un âpre combat s’ensuivit. Ce sanglant fait d’armes est connu dans l’histoire sous le nom de "combat de Saint- Denis" ainsi qu’en témoigne une belle médaille commémorative frappée vingt ans plus tard.

Après la tourmente, les Obourgeois relevèrent courageusement les ruines, mais le village resta longtemps très pauvre. Trente-deux ménages, sur soixante-et-un dont il se composait en 1754, vivaient alors dans le plus grand dénuement.

Un religieux de Saint-Denis officiait dans les deux communes. Depuis 1786, un prêtre fut autorisé à résider dans le village. Cependant, l’église resta longtemps encore une annexe de la paroisse dionysienne.

Les parties ogivales, qui subsistent de l’ancienne église Saint-Martin construite au XVI e siècle, laissent supposer que celle-ci possédait à l’origine un certain cachet artistique. D’aucuns lui trouvent aussi un caractère de majesté du fait d’être bâtie sur une hauteur. Sa tour fut surmontée, en 1590, d’une flèche très élégante flanquée de quatre aiguilles.
L’ancienne église menaçant ruine fut reconstruite par un maître-maçon montois et achevée en 1841.

Le sanctuaire obourgeois est pauvre en objets d’art ancien vraiment dignes d’intérêt (5). Sans s’attarder à la chaire de vérité du XVIIIe siècle ou au bel ostensoir-soleil en argent de même époque, le visiteur remarquera cependant
une jolie statuette en bois polychromé représentant saint Martin, dont la réputation de charité est demeurée légendaire. Il porte tunique rouge à collerette blanche, bottes fourrées, casque de dragon et ample perruque.
Ce travail naïf et touchant date de latin du XVIII e siècle.

Mais il sied d’attirer plus particulièrement l’attention des amateurs sur un tableau peint sur bois par un artiste inconnu (1616). A l’origine, cette oeuvre représentait la translation du corps de saint Macaire, tout comme le peintre Zurbaran a traité les "Funérailles d’un évêque" (Louvre): le corps étendu dans ses vêtements sacerdotaux, sur une civière d'apparât portée par des moines bénédictins. Il s’agit d’un don mémorial de l’abbé Henri de Buzegnies, personnage f igurant d’ailleurs au premier plan agenouillé près de ses propres armes. Ce geste heureux -que l’on remarque souvent sur certains tableaux et vitraux anciens - nous vaut aujourd’hui un témoignage de date et d ‘identification.

Mais, en 1892, cette oeuvre a été maladroitement "surdécorée" d’une vue partielle de Mons, d’Obourg et de la façade de l’église abbatiale de St-Denis. D’aucuns ont alors cru reconnaître dans ce tableau les magistrats de Mons recevant le corps du patriarche d’Antioche à la limite de la commune, oubliant qu’il se trouvait, au moment des faits, conservé dans une "chasse vermoulue" en bois transportée en carrosse depuis Gand.

Rappelons que lors de l’épouvantable peste qui infesta Mons et les environs, en l’an 1615, - et dont le pénible souvenir se perpétua longtemps comme d’une calamité sans nom (6) Les autorités civiles et religieuses de la ville avaient sollicité et obtenu du chapitre de Saint-Bavon le prêt des reliques du thaumaturge.
Elles espéraient obtenir ainsi, par leur et de présence dans les murs de la cité wadruerienne la cessation de "l’horrible pestilence".

Dès cette époque et selon un programme immuable, les moines de Saint-Denis se rendirent annuellement au mois d’avril en pèlerinage et "au milieu d’un grand concours de peuple", à la chapelle Saint-Macaire où le tableau était alors déposé.

Obourg possède toujours, en effet, à la bifurcation du chemin d’Obourg à Havré - mais pour combien de le temps encore ?
- une charmante chapelle en briques à chevet polygonal érigée en 1616, à l’initiative de l’abbé de Buzegnies pour commémorer la fin du cruel fléau. Les armoiries du noble bénédictin figurent sur le linteau en pierre de la porte.
A l’intérieur est conservée une élégante statuette en bois polychromé de saint Macaire revêtu de ses ornements sacerdotaux.

(1) Archéologie de la région de Mons, Maison de la Culture, Mons, 1973. Catalogue pp. 30, 41, 43, 57 et 103.
(2) On trouve Alburg en 1119 dans une bulle ‘du pape Calixte Il, Alborghen 1183,
Obourgh sur un manuscrit tournaisien de 1186 et Ausbourg en 1616.
Selon Albert Carnoy : "Il y a un Aalburg dans le Brabant septentrional.
Tout permet de croire que, comme Obourg, il remonte à Adalo-burg, ‘bourg d’Adalo’,
c’est-à-dire d’Adalberht, Adalberg, Adalfrid, etc." (Dict. étymo. du nom des communes de Belgique, 1940).
D’aucuns font dériver ce nom du latin aldus burgus (bourg blanc).
(3) Cfr A.C.A.M., t. Il, p. XX; t. VII, p. LXII; t. XXXV, pp. 213 et 284;
Max Servais, Armorial des Provinces et Communes de Belgique (1955), p. 881.
(4) On peut encore voir sur la place communale, près du pont de l‘Aubrechuelle ou Obrechœul, affluent de la Haine,
une pierre quadrangulaire qui aurait servi de socle au pilori du village.
Voir aussi le catalogue Trésors d’art de Saint-Denis-en-Broqueroie, 1968, pp. 23 et s.
(5) Cfr Sou de Moriamé, Inventaire, NC 394 et s.
(6) Cet événement a été relaté en détail dans notre ouvrage Cité à la bibliographie.


Bibliographie:
E. De Seyn. - Dict. des Communes belges, orne Edit. s.d., t. li, p. 997.
E. de Mung. - Exposé des principales découvertes archéologiques faites à Obourg dans les années 1879 à 1886 dans
Bul. de la Sté Anthropo. de Bruxelles, t. V, pp. 298 et s.
K. Petit. — Saint Macaire et la peste à Mons en 1615, Gembloux, 1946.
Ch. Rousselle. — Notice sur le village d’Obourg dans A.C.A.M., t. L pp. 105 et s.
Ph. Van der Maelen. — Dict. géo. de la Province de Hainaut, Brux.. 1833, p.372.