L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments :
Avis : 4 juin 1999 - 11 juin 1999 - 15 juin 1999 - 1er juillet 1999
Communiqué : 2 juillet 1999
L'arrêté du 4 juin 1999 suspendant la mise sur le marché des animaux et produits animaux susceptibles d'être contaminés en dioxines et portant prohibition d'introduction sur le territoire national d'animaux et de produits d'origine animale en provenance de Belgique.
(Lien vers le site de Legifrance : consulter le Journal Officiel du 5 juin 1999
- 26ème document)
Autres sources d'informations :
Le site du Ministère de l'Agriculture
le site de la Belgique, http://minsoc.fgov.be
le site de l'OMS http://www.who.int/inf-pr-1998/fr/cp98-45.html
Question :
Quel danger court un consommateur qui aurait mangé un poulet contaminé provenant de Belgique ?
(rappel : on a parlé pour les poulets belges de concentrations allant jusqu'à 700 picogrammes de dioxines par gramme de graisse)
Réponse :
Les dioxines ne présentent pas une importante toxicité aiguë. On est aujourd'hui davantage préoccupé par leur toxicité chronique à faible dose (susceptible d'induire des effets hormonaux et sur la fonction de reproduction), ainsi que par leur caractère cancérigène qui est établi pour l'une au moins des molécules de cette famille (la 2,3,7,8 TCDD [tétrachloro-dibenzo-dioxine] ou "dioxine Seveso")
En 1968, une intoxication collective a eu lieu au Japon, due à une huile contaminée par des dioxines ("maladie de Yusho"). Les victimes ont présenté une chloracné (= acné due au chlore), des signes généraux non spécifiques (fatigue, maux de tête, vertiges, amaigrissement) et un oedème avec signes d'atteinte nerveuse des membres inférieurs ; les nouveaux-nés des mères exposées étaient hypotrophiques (= petit poids de naissance). Ces signes ont régressé progressivement après arrêt de l'intoxication.
L'estimation réalisée à la suite de cet accident a évalué à environ 5 microgrammes/kg la charge corporelle en dioxines associée à ces signes anormaux. Par comparaison, la charge corporelle des populations non exposées est évaluée autour de 0,080 microgrammes (ou 80 nanogrammes) par kilogramme de poids corporel.
Quelqu'un qui aurait consommé 150 grammes de poulet belge contaminé contenant 700 picogrammes (ou 0,7 nanogrammes) de dioxines par gramme de graisse, aurait ingéré, compte tenu du pourcentage moyen de graisse dans le poulet, de l'ordre de 6 nanogrammes (0,006 microgrammes) de dioxines dont une partie est excrétée et/ou métabolisée. On voit que, pour une consommation ponctuelle de poulet ou d'oeuf massivement contaminé, on reste loin de la zone où des signes cliniques d'intoxication aiguë sont susceptibles d'apparaître.
Rappel : | 1 gramme = 1000 milligrammes (mg) |
---|---|
1 mg = 1000 microgrammes (µg) | |
1 µg = 1000 nanogrammes (ng) | |
1 ng = 1000 picogrammes (pg) |
Les données expérimentales obtenues chez l’animal montrent sans équivoque que les dioxines sont des agents cancérigènes, qui, de plus, et parfois à de faibles doses, provoquent des effets toxiques divers sur la reproduction, l’immunité et le système nerveux. Chez l’homme, les données épidémiologiques sont difficilement interprétables du fait notamment d’expositions complexes. Seul l’effet cancérigène de la 2,3,7,8 TCDD a été confirmé (IARC 1997), les autres effets étant transitoires ou sujets à des interprétations peu conclusives.
Les sources d’émission sont multiples, variées, et incomplètement connues.D’après des données publiées en Europe, depuis la fin des années soixante dix, l'amélioration des procédés industriels et l’abandon de certaines fabrications ont conduit à une diminution globale des émissions. Cependant cette évolution globale reste à être confirmée en France, et surtout n’exclut pas des situations locales particulières.
Dans ce contexte, le Conseil confirme les valeurs maximales tolérables proposées par le CSHPF en 1991
et confortées depuis par des résultats expérimentaux :
Dans d’autres pays européens, d’après les données disponibles, les niveaux d'exposition les plus
élevés concernent les enfants nourris au lait humain qui peuvent ingérer des doses de 100 à 400 pg TEQ/kg/j.
Il s’agit donc d'une part de prendre des mesures visant à réduire le risque par une diminution des émissions et d’autre part de développer des études permettant une meilleure évaluation du risque en France.
Sous l'autorité du Conseil, est mise en place une structure de veille chargée, d’une part, de l’informer des résultats des travaux en cours sur l’exposition des populations ainsi que des recherches épidémiologiques et scientifiques, d’autre part de proposer des recommandations.
Pour mieux apprécier le risque santé publique lié aux dioxines en France il s’agit :
En France, une valeur limite de 0,1 ng/Nm3 a été fixée pour l’incinération des déchets industriels spéciaux en 1996, et pour l’incinération des ordures ménagères en 1997, pour les nouvelles installations. Développement des approches multifilières en tenant compte du contexte local,
Cet avis ne peut être diffusé que dans sa totalité, sans suppression ni ajout
(1) d’obtenir des données sur les niveaux d’exposition de différents segments de la population
(2) de mieux cerner les effets toxicologiques de ces composés chez l’homme.
Ce dernier point concerne à la fois les études épidémiologiques et une meilleure extrapolation à l’homme des résultats obtenus sur différentes espèces animales modèles.
Pour atteindre ces objectifs, des actions devront être développées ou soutenues dans les domaines relevant de plusieurs organismes ou structures.
(1) Propositions concernant les études de terrain :
Mesures de dioxines dans les aliments, en particulier ceux d’origine animale et des produits de la mer
Mesures de dioxines dans le lait, le sang et le tissu adipeux, à la fois dans la population générale et en fonction de paramètres d’exposition supposés
Etudes épidémiologiques incluant des marqueurs d’exposition (par exemple teneurs en dioxines dans les lipides sanguins), chez les individus ayant consommé sur de longues périodes du lait et des produits laitiers issus de fermes contaminées
(2) Propositions concernant la recherche:
Augmenter le nombre de données disponibles, par le développement de nouvelles méthodes analytiques fiables et moins coûteuses que les méthodes actuelles, et mise en place d’un réseau d’analyse impliquant des laboratoires publics
Développement de modèles permettant d’évaluer les niveaux d’exposition des différents segments de la population et de prévoir l’évolution des niveaux de contamination
Approfondissement des connaissances sur les différences interspécifiques dans les mécanismes d’action (en particulier au niveau du récepteur Ah, base du calcul des TEFs) pour une meilleure extrapolation des résultats expérimentaux à l’homme
Le Conseil insiste sur la nécessité de soutenir ces recherches de façon à maintenir en France un niveau d’expertise comparable à celui d’autres pays européens.
(3) Propositions concernant l’alimentation :
Le lait est à la fois un aliment de base et un indicateur de
contamination de l’environnement.
De ce fait des valeurs guides ont été proposées prioritairement :
Confirmation de la valeur de 5 pg TEQ/g de graisse comme limite maximale autorisée dans le lait et les produits laitiers commercialisés
Confirmation de teneurs inférieures à 1 pg TEQ par g de graisse
comme objectif à atteindre pour
l’ensemble
du lait et des produits laitiers de grande consommation
Fixation d’une valeur d’intervention de 3 pg TEQ/g de graisse
entraînant une recherche des sources et leur réduction rapide
Pour les autres aliments la section Alimentation et Nutrition
est sollicitée pour faire des propositions sur l’établissement de valeurs guides.
(4) Propositions concernant l’environnement :
Le cadre général de la réduction des sources a été fixé par un programme cadre de la Commission de la Communauté Européenne en 1993, fixant comme objectif une diminution de 90% des émissions de dioxines en 2005 par rapport à 1985. Des valeurs limites ont été fixées ou sont en cours de discussion pour un certain nombre d’activités.
Lorsque la mise aux normes n’est pas possible, remplacement ou recherche de solutions alternatives
Contrôle de la conformité des installations aux normes par des mesures inopinées réalisées par des organismes publics
Dans le cas de risque avéré de contamination, mise en place d’une surveillance des sols
à proximité de ces installations pour la gestion de l’utilisation de ces sols
Etude de la contamination des mâchefers par les dioxines, de leur biodisponibilité et
de leur mobilité en fonction des différents scénarii d’utilisation
Si, pour des raisons historiques, les risques liés aux incinérateurs sont relativement bien connus,
il n’en est pas de même pour les autres techniques de traitement des déchets. En conséquence le Conseil propose les recommandations suivantes :
priorité étant donnée à la réduction de la production de déchets.
Prise en compte du risque " dioxines " dans l’évaluation de l’impact global sur l’environnement
et sur la santé des filières de traitement des déchets et
pour tout nouveau procédé de traitement .
Le traitement thermique des ordures ménagères n’étant pas la seule source de production de dioxines, il est nécessaire d’avoir une réflexion plus large sur les autres activités génératrices.
Ceci entraîne les recommandations suivantes :
Compléter l’identification et la quantification des différentes sources de dioxines y compris les sources domestiques.
Tenir compte des contraintes de qualité imposées à la filière agricole pour
l’implantation des installations à risque. Source : DGS
8, ave de Ségur
75007 Paris
Rédaction : 04/06/1999